Le bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus a écrit un livre qui s’appelle Je veux voir Dieu. La vision de Dieu, que l’on nomme en théologie vision béatifique, est l’une des définitions de la sainteté : en effet, pour voir Dieu tel qu’il est, il faut être en sa présence, et seuls les saints parviendront jusqu’à lui.

Mais croire que l’on est saint n’est-il pas présomptueux ? Certes, au point qu’un critère qui montre avec certitude qu’on ne l’est pas, c’est de faire autour de nous la publicité de notre supposée sainteté. Mais si se dire saint est un péché d’orgueil particulièrement flagrant, ne pas chercher à le devenir est un péché de paresse tout aussi évident. C’est agir comme le serviteur qui, n’ayant reçu qu’une pièce, l’enterre au lieu de la faire fructifier.

Dieu attend de nous, non pas que nous nous prenions pour lui, mais que nous nous efforcions de chercher à devenir comme son Fils bien-aimé, lui qui s’est fait homme pour que nous puissions l’imiter. Ce qu’un homme a fait, un autre peut le faire ou, comme le disait Terence, je suis homme, et rien de ce qui touche un homme ne m’est étranger. Bref, si Dieu a exalté Jésus à l’issue de sa Passion et de sa mort, parce qu’il a donné sa vie par amour de son Père et de l’humanité, il nous faut imiter le don qui fut le sien et donner notre vie les uns pour les autres, les mêmes actes produisant les mêmes effets.

Ainsi, chercher le visage de Dieu n’est pas seulement une démarche spirituelle, mais bel et bien un choix de vie qui veut que nous sortions de nous-mêmes et de notre volonté propre, pour accepter celle de Dieu et vivre, comme lui, dans l’amour, qui est un don de soi. C’est bien là le sens du Carême.

Par le jeûne, nous reconnaissons que nous ne vivons pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Par la prière, nous écoutons cette parole. Par la charité, nous la mettons en pratique. C’est ainsi que, le regard de notre volonté tourné vers Dieu, nous le verrons.

Abbé Fabrice Chatelain
Revue Parole et Prière