Il faut bien le reconnaître : notre amour de Dieu n’est pas totalement désintéressé. Comment pourrait-il l’être ? Nous vivons, comme le chante le Salve Regina, dans une vallée de larmes. Tous, nous souffrons du péché, qu’il s’agisse du nôtre ou de celui des autres. Le manque d’amour et le refus d’aimer nous affectent tous. Ils nous isolent, rendent notre vie amère, nous tendent des pièges. Même l’amour le plus sincère et le plus pur n’est pas sans danger dans un monde qui n’a pas hésité à crucifier le Fils de Dieu, essayant de se débarrasser de sa mauvaise conscience non pas en se convertissant, mais en éliminant celui qui, par contraste, la faisait cruellement sentir. Vanité des vanités, dit Qohélet ; vanité des vanités, tout est vanité.

La seule lumière dans la nuit, le seul espoir contre la méchanceté et l’injustice viennent de Dieu et de l’amour qu’il nous porte. Son amour est gratuit. Il est bienveillant. Il ne se fatigue pas, ne cherche pas la vengeance, mais il est toujours à l’affût du moindre signe de conversion, du premier geste de retour au Père. C’est pourquoi nous gardons les yeux tournés vers le Seigneur ; en l’occurrence, ici et maintenant, tournés vers la fête de Pâques à laquelle nous nous préparons par le Carême. Nous voyons les souffrances de Jésus, les injustices qu’il a dû subir, les outrages et la mort, mais par-delà son union intime à la misère de la condition humaine, nous discernons l’intervention de Dieu son Père, qui ouvre pour lui les portes de son Royaume, qui le transcende, le ressuscite et le fait venir à lui. Nous savons que les bontés de Dieu ne sont pas épuisées. Que son amour est plus fort que la mort. Qu’au-delà du marteau impitoyable de la réalité, qui broie les justes aussi bien que les injustes, se trouve un jugement qui tiendra compte de l’amour et de la fidélité. Tournons les yeux vers le Seigneur : en lui notre espérance, c’est lui notre salut !

Abbé Fabrice Chatelain
Revue Parole et Prière